Grâce à ses années de recherches sur la protéine endogène Tafa4, la start-up pourrait développer un médicament contre les douleurs chroniques efficace et sans effets secondaires.
Un espoir pour enfin se passer des opioïdes dans le traitement de la douleur. C’est l’ambition de la société marseillaise Tafalgie Therapeutics. En utilisant la protéine naturelle Tafa4 et ses dérivés peptidiques, son futur traitement permettrait de tirer un trait sur une classe de médicaments qui fait des ravages. Rien qu’aux États-Unis, on estime à 700 000 le nombre de morts d’une overdose d’opioïdes depuis 25 ans.
« Le traitement des douleurs chroniques est très difficile à gérer. Ces médicaments la bloquent effectivement, mais une fois que leur effet se dissipe, elle revient encore plus forte, c’est ce qu’on appelle l’OIH (hyperalgésie induite par les opioïdes). On renouvelle alors la dose, souvent en l’augmentant, et au bout de deux ou trois répétitions, apparaît un effet de dépendance. Le médicament s’est transformé en narcotique », se désole Aziz Moqrich.
Ce directeur de recherche du CNRS à l’Institut de biologie du développement de Marseille (IBDM, CNRS/Aix-Marseille Université) est à la base des travaux sur Tafa4 qui ont mené à la création de la start-up, il en est désormais aussi le directeur scientifique. « Aucune innovation n’a été réalisée dans le domaine depuis quarante ans, constate-t-il. Au point que l’on prescrit même parfois des antiépileptiques ou des antidépresseurs. Ils ont un effet pendant un moment, qui s’estompe, et transforment les patients en zombies. »
Mais tout cela pourrait donc être un lointain souvenir dans les prochaines années. Grâce à son traitement innovant qui entrera en phase 1 d’ici quelques mois, Tafalgie Therapeutics pourrait tout simplement révolutionner le marché des douleurs chroniques.
L’une de nos expériences a montré qu’après une administration répétée pendant 22 jours, notre solution avait toujours son effet antidouleur. ’’
Aziz Moqrich
Directeur de recherche du CNRS, co-fondateur de Tafalgie Therapeutics
Ce résultat inédit est le fruit de plus de quinze années de recherche : « Après avoir eu mon doctorat à l’université d’Aix-Marseille, j’ai eu la chance d’effectuer mon postdoc à San Diego, dans le laboratoire d’Ardem Patapoutian, désormais membre du board de Tafalgie Therapeutics ». Ce neuroscientifique a obtenu le prix Nobel de médecine en 2021 avec David Julius, pour leurs découvertes sur les récepteurs de la température, du toucher et de la proprioception.
« Après cinq ans là-bas, je voulais rentrer en France développer mon propre labo, j’ai alors fait le pari de me concentrer sur des gènes qui pouvaient avoir une expression sélective au niveau des neurones sensoriels, certains d’entre eux avaient une fonction encore inconnue. C’était un gros risque, comme jouer à pile ou face », se souvient-il.
C’est en creusant ces recherches qu’il finit par découvrir, Tafa4, une protéine endogène qui s’avère être une molécule antidouleur. Il fallait encore prouver son efficacité sur les douleurs pathologiques, grâce à une série d’expérimentations sur des souris génétiquement modifiées et sauvages. Elle a été confirmée au point qu’un brevet est déposé en 2014. La SATT Sud-Est s’en empare, mais aucun laboratoire ne semble encore intéressé par cette découverte majeure.
« Son développement n’était pas encore assez mature, il fallait encore valider les essais précliniques », explique Éric Schettini, CEO de Tafalgie Therapeutics et premier investisseur de la société aux côtés de son associé de toujours, Laurent Labatut, avec les 4 premiers millions d’euros injectés. C’est en 2020 que les deux cofondateurs se rencontrent dans un cadre informel grâce à une relation commune : « J’ai compris qu’Aziz était arrivé au bout de ses recherches déjà très avancées avec les moyens dont il disposait. Je trouvais ça vraiment dommage d’arrêter là ».
« J’ai alors rencontré la SATT et le CNRS et j’ai vraiment été surpris par la qualité de notre collaboration que j’estime exemplaire. Leur professionnalisme m’a touché en tant que citoyen. Les lignes ont bougé, on peut désormais envisager des projets fondés sur de la recherche fondamentale, ça m’a beaucoup motivé », se réjouit le dirigeant. « Et cerise sur le gâteau, nous avons également été cette année lauréats de l’EIC Accelerator (Conseil européen de l’innovation) qui consiste en une subvention de 2,5 millions d’euros, plus 6 millions d’equity », ajoute Aziz Moqrich.
Si le chemin est encore long avant d’envisager la commercialisation d’un traitement, il est en revanche parcouru plus rapidement que prévu, notamment grâce aux financements qui atteignent déjà une vingtaine de millions d’euros. La présence de la start-up à VivaTech sera sa première apparition publique après des années d’un travail de l’ombre qui risque de finalement enthousiasmer les plus grands laboratoires pharmaceutiques internationaux.
Tafalgie Therapeutics Team
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