MovaLife développe une solution robotisée conçue pour optimiser le flux de travail et améliorer l'efficacité des laboratoires de fécondation in vitro (FIV). De minuscules robots contrôlés à distance rendent les manipulations en laboratoire plus faciles. Une promesse pour augmenter le taux de réussite de la FIV qui reste bas et n’a que peu évolué depuis une trentaine d’année.
C’est une pratique désormais courante. Avec un couple sur six connaissant des troubles de la fertilité, la FIV est entrée dans les mœurs et n’est plus un tabou : dans les pays développés, 5% des enfants d’une génération sont nés de la sorte et 9 millions d’enfants conçus ainsi. « Pour autant, c’est un secteur où les méthodes sont encore artisanales, s’étonne Sinan Haliyo, professeur au sein de l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR – CNRS/Sorbonne Université). Les manipulations sont nombreuses, l’influence de l’environnement est très importante et les outils sont si compliqués à utiliser qu’ils demandent environ deux ans de formation. »
Un constat confirmé par Edison Gerena : « J’ai pu me rendre compte lors de mes immersions au sein des laboratoires spécialisés qu’un seul cycle de FIV demandait de nombreuses opérations manuelles et l’utilisation d’une cinquantaine de consommables ». Les travaux de cet ancien thésard de l’ISIR ont permis la mise au point d’une technologie brevetée, à la base de la création de la société MovaLife microrobotics qu’il vient de cofonder avec Sinan Haliyo. Il en est désormais le CTO.
Cette multiplication des manipulations et ce manque de standardisation de la pratique aboutit à des résultats très disparates d’un laboratoire à l’autre : « Le taux de réussite varie entre 13 et 46 % pour les meilleurs d’entre eux », explique Éric Lameignère, cofondateur et directeur général de la société. Fort d’une expérience de plus de 30 ans dans le secteur des entreprises des sciences du vivant, il a notamment été directeur de Genopole Entreprises pendant dix ans.
« Manipuler une pièce de Lego avec une grue de chantier »
Les buts de MovaLife microrobotics sont donc de simplifier le travail de ces laboratoires et de standardiser leurs pratiques pour à terme augmenter leur taux de réussite. Pour y parvenir, c’est tout le savoir-faire de l’ISIR qui a été mobilisé. « Notre solution consiste en des robots mesurant une dizaine de micromètres dirigés grâce à des lasers contrôlés par un système de retour haptique, détaille Sinan Haliyo. Ces microrobots sont comme des drones dont les hélices ont été remplacées par des billes de 2 à 3 microns. Ce sont elles qui sont piégées au centre du rayon laser, c’est le principe de pince optique mis au point par Arthur Ashkin, prix Nobel de physique en 2018 ».
Encore fallait-il trouver un moyen de les manipuler facilement. « Aujourd’hui, les opérateurs dirigent leurs outils grâce à plusieurs moteurs contrôlés par des joysticks, c’est comme manipuler une pièce de Lego avec une grue de chantier ! Ce système manque d’intuitivité au point qu’elle nécessite deux ans de pratique en labo avant de pouvoir faire sa première injection, déplore le professeur. Notre procédé ne repose pas seulement sur la vision, grâce à une interface haptique capable de mesurer les forces rencontrées par les robots et de les amplifier à l’utilisateur sans qu’elles ne soient dégradées. »
L’opérateur ressent ainsi toutes les résistances opposées à l’outil. Une donnée inédite jusqu’alors, mais d’importance puisqu’il faut par exemple, avant l’injection du spermatozoïde, retirer la zone pellucide de l’ovocyte, une opération très périlleuse. « On ne prélève qu’une dizaine d’ovocytes sur une patiente, ils sont donc très précieux, d’autant plus que leur nombre et leur qualité diminuent avec l’âge », explique Sinan Haliyo. L’appareil de MovaLife microrobotics couplé à un environnement hermétique protégé des aléas extérieurs se pose donc comme un réel atout dans ce secteur encore artisanal.
Pour passer des laboratoires de l’ISIR au marché, l’équipe a bénéficié de nombreux dispositifs d’accompagnement : transfert de technologie grâce à la SATT Lutech, aide à la création de start-up via le programme RISE du CNRS, et les concours d’innovation i-PhD et i-Lab de Bpifrance. « Ça m’a permis de découvrir un monde inconnu avant, on ne se sent pas tout seul, l’accompagnement est très bon, se réjouit Edison Gerena qui occupe donc désormais l’un des postes de dirigeant de la société. C’est dans ce processus que j’ai pu rencontrer Rachel Lévy et Charlotte Dupont, deux grandes spécialistes de la FIV à l’hôpital Tenon à Paris, qui sont également devenues deux cofondatrices de MovaLife microrobotics. »
« En France, la création de sociétés innovantes est facilitée, le travail fait par le CNRS n’a rien à envier à ce qui se fait aux États-Unis. Grâce à la puissance publique, il se crée des entreprises qui ont des chances de se développer », constate Éric Lameignère. Ce sera la prochaine étape pour MovaLife microrobotics avec en ligne de mire environ deux ans d’essais précliniques en collaboration avec l’INRAE à Jouy, puis deux à trois autres années de phase clinique et réglementaire et une commercialisation finale de sa solution entre 2028 et 2029. De quoi optimiser et fiabiliser la FIV dont la demande est amenée à croître fortement ces prochaines années.
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