Trois chercheurs du laboratoire LIP6 ont mis au point un verrouillage d’accès aux circuits intégrés. Le but est d’éviter à leur concepteur que leur architecture ne soit volée ou piratée par les nombreux acteurs de la chaîne de production.
Comment protéger la propriété intellectuelle des concepteurs de circuits intégrés ? Une question complexe à laquelle trois scientifiques du LIP6 (CNRS/Sorbonne Université) ont désormais la réponse. Les sociétés qui mettent au point les puces utilisées dans nos appareils électroniques ne disposent généralement pas d’usines. Elles font donc appel à des fondeurs pour les fabriquer. Mais ces derniers ont alors un accès sans limite aux technologies incluses dans ces composants, menaçant ainsi la propriété intellectuelle des créateurs.
« C’est un fonctionnement courant dans le secteur, c’est par exemple le cas d’Apple qui fait fabriquer une grande partie de ses puces dans les usines de TSMC, constate Alán Díaz Rizo, coconcepteur de SyncLock et maître de conférences au LIP6. Il existe déjà plusieurs litiges juridiques entre certains acteurs de ces chaînes d’approvisionnement, c’est une menace courante et croissante. »
« Le principe de SyncLock permet aux créateurs de circuits intégrés de protéger leur conception et leur probité pour empêcher le vol de propriété intellectuelle et le piratage », explique le chercheur. Dédiée aux puces électroniques de communication sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, 4G, 5G, etc.), il est basé comme son nom l’indique sur le verrouillage de synchronisation (« synchronization locking »).
« SyncLock verrouille la synchronisation entre émetteur et récepteur grâce à une erreur de conception du circuit introduite de manière volontaire. Mais une clé numérique est stockée dans la mémoire de la puce émettrice, c’est elle qui compense et corrige cette erreur pour déverrouiller la synchronisation nécessaire à la communication entre les deux », détaille Alán Díaz Rizo. Si on n’active pas la clé, le circuit ne fonctionne pas et un attaquant n’a aucun moyen de comprendre comment faire fonctionner le circuit ou l’utiliser sans autorisation.
À la base de ce travail très pointu, se trouve donc Alán Díaz Rizo, mais aussi Hassan Aboushady, également maître de conférences au LIP6 ; et l’un de ses directeurs de recherche, Haralampos Stratigopoulos, porteur du projet de prématuration financé et accompagné par le CNRS. « Nous échangeons très souvent avec CNRS Innovation dans le cadre de ce programme, il nous aide à contacter les industriels et connaître leur intérêt pour notre technologie. Nous avons également pu financer grâce à eux l’embauche d’un ingénieur de recherche », se félicite le scientifique.
Et leurs retours sont très positifs : « Ils nous expliquent effectivement que c’est une problématique réelle et préoccupante dans leur industrie, au point qu’ils nous demandent désormais des démonstrations robustes, vérifiées et validées par une expertise neutre, telle que celle de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), indique Alán Díaz Rizo. Nous y travaillons actuellement pour faire évoluer SyncLock. »
Mais cette condition sine qua non n’est pas la seule remontée effectuée par ces potentiels clients : « Ils veulent également pouvoir déclencher l’activation à distance d’une puce verrouillée pour faciliter l’intégration de notre système à la chaîne de fabrication. C’est l’un des verrous scientifiques sur notre roadmap que nous sommes en train de résoudre. »
Reste maintenant à savoir quelle forme prendra le développement de leur projet, toutes les options sont sur la table : « Je travaille beaucoup sur la création d’entreprise. Je suis actuellement un cursus à HEC et ensuite le programme RISE du CNRS, qui me permettront de mettre sur pied notre propre start-up », se projette le chercheur. Mais le transfert de technologie de leur brevet n’est pas exclu puisque l’équipe est également accompagnée par la SATT Lutech dans ce sens.
En parallèle, l’équipe continue encore et toujours de développer SyncLock et le préparer pour le futur : « Il faut connaître parfaitement l’état de l’art. Notre technologie est robuste, mais nous devons anticiper les futures attaques et contre-attaques possibles pour montrer qu’elle est sécurisée ». Pour l’instant démontrée sur les puces Wi-Fi, elle est également développée pour être portée sur d’autres protocoles comme le Bluetooth. L’équipe vise le début d’année 2025 pour voir aboutir ces projets.
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