Grâce à un système utilisant des fluides supercritiques, la start-up pourra délaminer les matériaux composites pour en éliminer leur résine et récupérer les matières recyclables. Une méthode basée sur un brevet du CNRS.
C’est l’un des procédés parmi les plus prometteurs en matière de recyclage qui pourrait enfin être industrialisé. En nouant un partenariat avec le CNRS, la start-up ADN Group va exploiter un brevet de Cyril Aymonier, directeur de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB – CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et médaille 2024 de l’innovation du CNRS.
Je l’ai déposé en 2015, c’est sûrement mon brevet le plus prometteur, se réjouit le directeur de recherche. Il consiste à utiliser des solvants en conditions supercritiques. Cela leur permet de faire des choses dont ils sont incapables en condition normale. ’’
Cyril Aymonier, directeur d'Institut et médaille 2024 de l'Innovation du CNRS
Pour cela, le scientifique applique une température et une pression bien précises : « En faisant chauffer le CO2 au-delà de 31°C et sous plus de 73,8 bars, il se retrouve dans une sorte d’état intermédiaire, entre le liquide et le gazeux. Cela fonctionne aussi avec d’autres solvants bien connus et utilisés couramment comme l’eau ou l’alcool, à d’autres température et pression ».
Les skis comme point de départ
Ces propriétés n’ont pas échappé à Camille Lambert, présidente et fondatrice d’ADN Group, une société basée en Haute-Savoie.
J’avais vu une vidéo du CNRS sur le démantèlement d’une chaussure grâce à ce procédé qui me paraissait hyper pertinent. À l’époque, notre entreprise opérait uniquement sur le marché du recyclage de skis, j’ai alors pensé que cela pourrait fonctionner sur leurs matériaux composites pour éliminer la résine et délaminer les différentes couches qui les composent de manière à les récupérer. ’’
Camille Lambert, CEO d'ADN Group
Les chiffres les plus récents disponibles datent déjà de 2006, mais il était alors estimé que 1 500 tonnes de skis étaient jetées à la benne chaque année en France : « Ils sont alors broyés et incinérés ou, pire encore, enfouis, regrette l’entrepreneuse. Et c’est la même chose dans les autres pays. Nous sommes d’ailleurs en train de remettre à jour ces estimations pour avoir une image de la situation aujourd’hui ».
Automobile, aéronautique, éolien
Camille Lambert contacte alors l’ICMCB : « Nous avons discuté pendant presque un an pour définir l’étude, déterminer sa durée et mettre sur pied un dossier de prématuration. Cela m’a conduit à chercher des financements faits par les acteurs de l’industrie pour subventionner les études. J’ai naturellement contacté des fabricants de skis, mais je me suis rendu compte que cela pouvait intéresser bien d’autres industries ».
Elle décide alors de faire pivoter l’activité d’ADN Group pour ne plus seulement s’adresser à cet univers de sport d’hiver : « En faisant un benchmark des matériaux composites, j’ai pu identifier plusieurs verticales, qu’il s’agisse de l’industrie automobile, aéronautique ou éolienne. J’avais participé l’année dernière à l’émission de M6 ‘‘Qui veut être mon associé ?’’, cela m’a aussi permis de nouer ces contacts. »
« Notre but désormais est donc de tester ces domaines pour pouvoir déposer des brevets sur de nouvelles applications, poursuit Camille Lambert. Une fois que nous aurons notre propre technologie, nous pourrons la commercialiser sous forme de machines de démantèlement, mais nous devons d’abord faire de la recherche et développement ». Une solution qui permettrait de s’adresser aux acteurs du marché qui désirent recycler leurs déchets de production, mais plus encore aux recycleurs qui trouveraient avec ce système un nouveau relais de croissance de leur activité de récupération.
Accompagner les entreprises vers le Green Deal
La concurrence existe en effet déjà sur ce créneau, avec d’autres techniques moins vertueuses : « On peut broyer ces composites et récupérer par induction les métaux et les matériaux non-ferreux. La pyrolyse permet elle aussi de récupérer les matériaux parfois carbonisés et la résine sous forme d’huile », détaille-t-elle.
Tout cela représente un gisement de matériaux dont on ne fait rien pour le moment. Et son impact CO2 n’est pas négligeable. Nous devons être l’une des forces motrices de toutes les entreprises qui s’activent dans le recyclage et les accompagner vers le Green Deal. Nous sommes 250 personnes en moyenne à l’institut qui travaillons dans ce sens ’’
abonde le directeur de l’ICMCB.
Mais tout cela n’en est pour l’instant qu’au commencement : « Nous y allons étape par étape, explique la fondatrice d’ADN Group. Nous avons accueilli le 20 janvier dernier notre laborantin qui va pouvoir débuter nos travaux de recherche. Nous avons pu financer ce poste grâce au programme de prématuration du CNRS et nos propres moyens. Nous sommes aussi labellisés Deep Tech et nous visons à lever des fonds, entre un et deux millions d’euros. Ils seront avant tout ciblés sur la propriété intellectuelle et la recherche et développement ». Des skis à l’industrie innovante du recyclage, il n’y a finalement qu’un schuss.
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