Grâce à ses stations d’observation réparties dans le monde entier, la société toulousaine informe ses clients sur les risques de collision de leurs satellites. Elle a levé 10 millions d’euros en 2023 pour doubler leur nombre et détecter des objets de plus en plus petits.
Surveiller l’espace pour éviter les collisions de satellites. C’est la mission que s’est donnée la société Aldoria, cofondée en 2017 par Romain Lucken, actuel CEO : « J’étais à l’époque en thèse de doctorat au Laboratoire de physique des plasmas[1]. J’ai pu participer à un évènement autour des start-up où j’ai rencontré notre cofondateur Damien Giolito. Nous avons remporté le challenge en présentant une idée sur la gestion durable de l’espace et le recyclage des débris spatiaux ».
Après avoir cofondé leur société, l’étudiant continue son parcours universitaire en parallèle, jusqu’à ce que son directeur de thèse Pascal Chabert l’encourage à mener un projet de transfert de technologie. « Nous avons été aidés par la SATT Paris-Saclay, sur notre sujet lié à l’influence des évènements solaires sur les orbites des déchets spatiaux », se souvient le dirigeant. « Grâce à ce transfert mené par la directrice de recherche Dominique Fontaine, j’ai pu commencer à travailler à plein temps sur le projet, puis nous avons eu nos premiers employés en 2020. Cette collaboration nous a permis de décoller. En appliquant ce que nous y avions appris, nous avons réalisé notre première levée de fonds de 800 000 euros en 2021. »
En 2022, Aldoria remporte plusieurs projets — dont un auprès du CNES (Centre national d’études spatiales), obtient des subventions européennes et nationales ; jusqu’à lever 10 millions d’euros en 2023. Aujourd’hui, la société emploie 35 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros l’année dernière.
Aldoria Team
Derrière ce succès, se cachent les deux piliers de l’activité d’Aldoria. Le premier consiste à concevoir et à déployer sur l’ensemble du globe ses stations de surveillance dans lesquelles se trouvent les outils optiques — télescopes et capteurs — couplés à des algorithmes de traitement d’image : « Ils servent à ségréguer les étoiles pour observer uniquement les objets en mouvement. En revanche, on se sert d’elles pour déterminer la position de ces objets. »
Le second pilier est le traitement des données ainsi récoltées : « Nos algorithmes permettent de déterminer les orbites des objets, de calculer leur rapprochement ou la manœuvre d’un satellite. On peut ainsi les caractériser et les identifier pour nos clients ». Ceux-ci sont d’ailleurs très divers, du CNES, en passant par d’autres agences gouvernementales internationales (civiles et militaires), des intégrateurs de satellites, des opérateurs, des lanceurs et des assureurs. « En cas de collision, ils ont besoin d’avoir les informations sur ce qu’il s’est passé en orbite pour savoir comment ils indemnisent le dommage », explique Romain Lucken.
« Il y a encore vingt ans, l’espace était presque vide. Aujourd’hui, il faut savoir y naviguer et ajuster la trajectoire des satellites pour minimiser le risque », abonde-t-il. « Il y a ainsi quelques dizaines de collisions par an, entre objets connus et inconnus. Ces fragments non catalogués sont le plus souvent des débris que nous pouvons pour l’instant détecter s’ils mesurent plus de 10 centimètres », constate le scientifique.
Pour garder l’avantage sur une concurrence qui se développe, notamment aux U.S.A., Aldoria va doubler le nombre de ses stations en passant de six à douze à travers le monde : « Notre force est d’aller vite sur leur déploiement, avec des coûts d’infrastructures modérés, tout en adressant les cas d’usage de nos clients ». Ce développement, également accompagné par les perfectionnements technologiques de ses optiques et capteurs, permettra de passer en dessous de cette limite des 10 centimètres. « Même avec une taille aussi petite, un objet lancé à 15 km/s est plus rapide que la balle d’une arme à feu et peut causer des dégâts », explique-t-il.
En étant présent sur le salon VivaTech en 2024, Aldoria renouvelle sa présence annuelle sur le salon depuis 2018 : « C’est intéressant d’y venir pour sortir de notre secteur d’activité spatiale. On peut y observer un écosystème de start-up plus large, les changements de positionnement, y rencontrer de grands groupes, des acteurs publics et aussi des investisseurs potentiels », se réjouit Romain Lucken. Avec peut-être à la clé plus de moyens pour détecter des objets spatiaux de plus en plus minuscules, mais tout aussi redoutables.
[1] Laboratoire de physique des plasmas (LPP, CNRS / École polytechnique / Sorbonne Université).
Aldoria Station
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