La Pharma/ChemTech OPGS Pharmaceuticals développe des antidotes innovants pour sauver les victimes intoxiquées par les armes chimiques ou par des pesticides organophosphorés.
Tout a commencé en 2005, Rachid Baati, alors jeune chercheur CNRS à la Faculté de Pharmacie de Strasbourg (Laboratoire CAMB[1]) ingénieur chimiste de formation, dirige une première thèse financée par la Direction Générale de l’Armement (DGA) dans le cadre d’un projet de l’Agence nationale de la Recherche (ANR), en collaboration avec le laboratoire COBRA [2]à Rouen et le Centre de Recherche du Service de Santé des Armées (SSA) à Grenoble. Le thème de recherche de ce projet est singulier : identifier de nouvelles molécules capables de neutraliser les effets délétères des neurotoxiques organophosphorés (NOP) utilisés comme armes chimiques. De ces premiers travaux est issue une molécule qui servira de brique de base à une nouvelle génération de contre-mesures médicales pour le traitement d’urgence des intoxications par les NOP utilisés comme armes chimiques ou pesticides.
La recherche de nouveaux antidotes, va être continuellement financées par l’ANR et le Ministère des Armées via le SSA, la DGA puis l’Agence de l’innovation de défense (AID). La démarche s’avère résolument collaborative. Devenu directeur de recherches CNRS, au laboratoire ICPEES[3], Rachid Baati, en partenariat avec Pierre-Yves Renard et Ludovic Jean du laboratoire COBRA, développe les structures chimiques de nouveaux composés en collaboration avec Florian Nachon, José Dias et Guilhem Calas du SSA, relocalisés à I‘Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA) à Brétigny-sur Orge. Ces derniers réalisent ensuite les évaluations biologiques avec les véritables agents de guerre au sein d’un laboratoire autorisé dans le cadre strict de la convention d’interdiction des armes chimiques.
En quelques années, le consortium explore plusieurs familles de molécules. En 2013, le premier brevet commun CNRS-SSA est déposé. Il concerne le procédé de synthèse de molécules innovantes et leur application dans le domaine des contre-mesures médicales d’urgence pour les personnes intoxiquées par des armes chimiques ou des pesticides. En 2015, un deuxième brevet est déposé. D’autres suivront, dans le contexte effervescent de l’écosystème des start-up. Aujourd’hui, CNRS Innovation [4] a déposé une grappe de sept brevets conjointement avec le SSA.
Les nouveaux antidotes à large spectre ont une efficacité thérapeutique supérieure in vitro à celle des antidotes de référence utilisés à travers le monde. Nos composés ciblent également le système nerveux central pour assurer la neuroprotection des personnes intoxiquées, et notre volonté et notre vision est de créer une start-up et des emplois pour développer et commercialiser des médicaments utiles à la société ’’
Rachid Baati
Directeur de recherche CNRS et CSO OPGS Pharmaceuticals
Forts de ces innovations, Rachid Baati prend la responsabilité du projet de valorisation OPGS (Organo Phosphorous Global Solutions), financé par deux projets de prématuration de CNRS Innovation. Trois cofondateurs créent la start-up OPGS Pharmaceuticals en juillet 2023. Pascal Breton en est le CEO, Guillaume Mezache préside le Comité Stratégique et assume à ce titre les tâches juridiques et de gouvernance, tandis que Rachid Baati occupe la fonction de CSO. Déterminé et porté par ces années de recherches et de découvertes collectives, ce dernier expose les raisons du lancement de la start-up : « Les nouveaux antidotes à large spectre ont une efficacité thérapeutique supérieure in vitro à celle des antidotes de référence utilisés à travers le monde. Nos composés ciblent également le système nerveux central pour assurer la neuroprotection des personnes intoxiquées, et notre volonté et notre vision est de créer une start-up et des emplois pour développer et commercialiser des médicaments utiles à la société ».
Accompagné par le programme RISE
En plus de faire rimer recherche fondamentale et recherche appliquée, Rachid Baati a endossé la casquette d’entrepreneur. En 2019, pendant six mois à Paris, il a suivi le programme RISE, proposé par le CNRS Innovation. « Nous avons pu faire connaître notre projet OPGS auprès de nombreux partenaires essentiels de l’écosystème de l’innovation, dans les domaines civils et militaires et identifier des sources de financement. Une cartographie de la concurrence mondiale, ainsi qu’une étude de marché, ont été réalisées et financées grâce à RISE », précise Rachid Baati. Le chercheur s’est également formé à l’entrepreneuriat via le programme DeepTech Founders en 2019. OPGS Pharmaceuticals est incubée chez Paris BioTech Santé, à Paris.
Des applications militaires et civiles à l’échelle française et internationale
Les exemples récents d’utilisation d’armes chimiques de la famille des NOP ne manquent pas : tentative d’assassinat d’Alexeï Navalny en Russie en 2020, empoisonnement de Ioulia et Sergueï Skripal au Royaume-Uni en 2018, emploi massif du sarin en Syrie en 2013 et en 2017, assassinat du demi-frère de Kim Jong-un avec du VX en Malaisie en 2017, attentat au sarin dans le métro de Tokyo en 1995… On dénombre une cinquantaine de NOP utilisés comme pesticides ou comme armes chimiques, dont une quatrième génération d’armes chimiques NOP, les Novitchoks, pour lesquels il n’existe pas de données sur les traitements antidotiques. OPGS Pharmaceuticals mène une veille technologique pour les besoins de développement de nouvelles molécules.
Aujourd’hui, les molécules du portfolio de la Pharma/ChemTech en sont au stade du développement précliniques. D’ici 2030, OPGS compte proposer des antidotes à large spectre de NOP aux 10 centres antipoison des hôpitaux français, équiper la protection civile et les armées à l’échelle nationale, puis internationale. OPGS Pharmaceuticals vise également le marché civil constitué par les pays émergents où les NOP pesticides sont encore utilisés. En ce sens, la start-up travaille à la mise au point d’antidotes rapidement déployables de manière qu’en cas d’intoxication aiguë par de tels pesticides, un agriculteur puisse rapidement être pris en charge par l’hôpital local. De fait, la Pharma/ChemTech est promise à se développer en France et à l’international, pour un monde où la menace des NOP sera atténuée par l’accès à des antidotes plus efficaces.
[1] Laboratoire de Conception et Applications des Molécules Bio-Actives (CNRS/Université de Strasbourg)
[2] Chimie Organique et Bioorganique : Réactivité et Analyse (CNRS/INSA Rouen Normandie /Université Rouen Normandie)
[3] L’Institut de Chimie et Procédés pour l’Energie, l’Environnement et la Santé (CNRS/Université de Strasbourg). Contact : rachid.baati@unistra.fr
[4] CNRS Innovation, créée en 1992, est la structure nationale de valorisation et de transfert de technologie du CNRS.
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