Le CNRS et la start-up Serendip innovations ont récemment conclu des accords de licence exclusive. Le principe de la technologie : modifier un virus de plante pour qu’il serve à transporter des molécules utiles et à cibler spécifiquement certaines cellules. L’entreprise développe ainsi un vaccin thérapeutique visant à améliorer la réponse immunitaire contre le cancer.
Si l’entreprise Serendip innovations porte ce nom, c’est que son histoire relève de la sérendipité – une découverte faite par hasard, qui n’était pas l’objet de la recherche initiale. À l’origine, Vianney Poignavent travaillait sur le développement de fragments d’anticorps contre les virus de la vigne, à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP, CNRS). « Notre but était alors de mettre au point des outils de diagnostic et de résistance aux virus », se souvient-il. « Nous avions ainsi réussi à rendre les plantes résistantes, mais ce qui était inattendu, c’est qu’un des virus étudiés parvenait à contourner cette résistance, en ajoutant une extension d’acides aminés à sa surface. Cela ajoutait de la complexité à nos recherches, mais nous y avions aussi vu une opportunité : ne pouvions-nous pas nous en servir à notre avantage, pour d’autres applications ? » De nouvelles études ont ensuite permis de confirmer cette intuition : le virus de plante pouvait servir de « nanotransporteur » de protéines, en particulier à des fins thérapeutiques.
Cette découverte a entraîné le dépôt de deux brevets – par le CNRS, l’INRAE et l’Université de Strasbourg –, puis une démarche de maturation avec la SATT Conectus. Grâce à une collaboration entre l’IBMP et l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC, CNRS), les premiers résultats obtenus ont abouti à la création de la start-up Serendip innovations en juillet 2023, avec trois cofondateurs : Alexandre Hill, CEO, Vianney Poignavent, CSO, et Adrien Trolet, CTO. L’objectif de l’entreprise, accompagnée dans le cadre du programme RISE de CNRS Innovation, est de valoriser la technologie développée, grâce à des accords de licence exclusive signés le 7 février 2024.
Concrètement, Serendip innovations exploite une méthode permettant de modifier un virus de plante, pour lui adjoindre des protéines par fusion génétique. Et ce, de deux façons : soit de sorte à encapsuler la protéine à l’intérieur du virus, soit pour l’exposer en surface. La particule pseudo-virale (VLP : « virus-like particle ») ainsi créée peut alors embarquer, d’une part, une charge utile protégée en interne et, d’autre part, des molécules de ciblage en surface, afin d’apporter le principe actif uniquement aux cellules visées.
Le végétal joue, en outre, un rôle véritablement central pour cette innovation, puisque les VLP sont produits directement dans une plante cousine du tabac, qui sert de bioréacteur. « Ce mode de production présente plusieurs intérêts significatifs », avance Vianney Poignavent. « Premièrement, il est sûr : les plantes ne contiennent pas de pathogènes humains, ce qui limite les risques de contamination. De plus, la montée en charge est linéaire : si l’on souhaite augmenter le volume de production, il suffit d’accroître la surface de culture, ce qui est faisable à moindre coût. »
Mais quelles protéines la VLP peut-elle transporter ? « Cette particule possède un avantage déterminant : sa très grande modularité », note Alexandre Hill. « Il est ainsi possible de cibler une large variété de tissus ou de cellules, à l’aide des molécules en surface, adaptables à façon. Et sa structure protéique permet de préserver la stabilité du principe actif encapsulé. Notre technologie permet donc de transporter de longues chaînes de peptides, des protéines, et présente également le potentiel de charger des petites molécules chimiques ou de l’ARN messager. » La première application s’appuie, elle, sur le transport d’antigènes de tumeur, à des fins de vaccination thérapeutique contre le cancer, en particulier le cancer colorectal, deuxième cancer le plus mortel dans le monde après celui du poumon. L’équipe Serendip innovations est convaincue du caractère unique de cette plateforme d’immunisation innovante provenant des plantes.
« Notre approche vient compléter l’arsenal thérapeutique existant, notamment les solutions d’immunothérapie », précise Vianney Poignavent. « En effet, ces dernières possèdent un taux de réponse compris entre 15 et 20 %. En réalité, elles fonctionnent beaucoup mieux dans le cas d’une réponse immunitaire préexistante aux tumeurs chez le patient. Le but de notre vaccin est précisément de déclencher cette réponse, qui rendra ensuite l’immunothérapie plus efficace. » Pour cela, les VLP ciblent les cellules dendritiques – « les chefs d’orchestre de la réponse immunitaire » –, qui vont digérer les antigènes de tumeur et relayer l’information auprès des lymphocytes T, qui seront alors capables d’identifier et de tuer les cellules cancéreuses présentant les mêmes antigènes.
Serendip innovations a déjà démontré que cette méthode permettait effectivement de générer une réponse immunitaire. Une première preuve de concept qui devra être confirmée lors des prochains tests sur la souris et sur des cellules humaines in vitro. « Ces résultats, qui arriveront certainement mi-2024, nous aideront à conclure une levée de fonds, afin de passer aux tests toxicologiques, dernière étape avant la demande d’autorisation d’essai clinique, que nous espérons entamer en 2028 », projette Alexandre Hill.
Partenariats, création d'entreprises, brevets, licences, événements... Retrouvez tous les mois les dernières actualités de la valorisation et de l'innovation au CNRS.
24 octobre 2024
24 octobre 2024
24 octobre 2024
06.11.2018
Matériaux – Revêtements 07293-01
06.11.2018
Matériaux – Revêtements 10581-01
06.11.2018
Chimie 08758-01
06.11.2018
11127-01
06.11.2018
Environnement et Energie 11107-01
19.10.2018
Diagnostic médical 08504-01