Grâce à leur logiciel, les chercheurs du projet permettent aux entreprises ou aux institutions de comprendre quelles conséquences environnementales, économiques et sociales, auront leurs décisions. Un tour de force permis grâce à un ingénieux système multi-agents.
Évaluer l’impact d’une mesure ou réglementation sur la société, l’économie, le climat et la biodiversité, c’est l’ambition de TerraNeon. Ce logiciel est aussi bien destiné aux entreprises qu’aux institutions. « Un bon PC assez puissant est suffisant pour l’utiliser, mais nous avons bien entendu besoin de supercalculateurs en amont pour mettre au point les modèles qu’il fait tourner », explique Cédric Herpson, maître de conférences à Sorbonne Université, membre du LIP6 (CNRS/ Sorbonne Université) et co-responsable du projet TerraNeon.
La technologie mise au point pour TerraNeon s’appuie sur plusieurs types de données, pour la plupart publiques à ce stade : « Notre modèle économique reproduit par exemple dynamiquement la Comptabilité Nationale, ce qui est un exploit technique », se félicite Jean-Daniel Kant. Lui aussi maître de conférences à Sorbonne Université et membre du LIP6, il est le responsable du projet et travaille depuis une vingtaine d’années sur les systèmes dits multi-agents, employés pour la conception de TerraNeon.
« Chaque agent est modélisé par un programme qui peut représenter une entreprise, un individu ou une institution. Ils peuvent ainsi interagir entre eux au niveau d’un marché, d’une société ou d’une économie », détaille l’enseignant-chercheur. Avec son précédent projet WorkSim simulant le marché du travail, il avait alors pu évaluer en 2016, les effets de la loi El-Khomri, dont les conclusions avaient été reprises par le FMI et la Commission européenne.
« J’avais envie de travailler sur les questions écologiques et environnementales depuis longtemps. Le déclic est venu du roman Écotopia écrit par l’Américain Ernest Callenbach en 1975. Il y décrit comment la Californie, l’Oregon et l’État de Washington font sécession pour construire une société écologique », se souvient Jean-Daniel Kant. « Nous avons eu l’envie d’explorer cette idée avec nos étudiants, pour évaluer la viabilité de cette société », explique Cédric Herpson. C’est cette première expérience qui a donné naissance au projet TerraNeon.
Très complice, le duo dirige une équipe de six personnes : « Nous nous sommes connus quand Cédric était mon étudiant. Il est parti au CEA après sa thèse, il est revenu ensuite à Sorbonne Université comme maître de conférences et nous avons alors enseigné ensemble dans le cours de simulation », se réjouit Jean-Daniel Kant.
C’est donc ensemble qu’ils conçoivent ce projet TerraNeon pour évaluer les conséquences d’une décision sur l’environnement de manière systémique : « Pour cela, nous modélisons la production et la consommation dans les domaines les plus impactants : transports, énergie, logement, agriculture et industrie. On mesure notamment leurs répercussions sur l’emploi, l’occupation des sols, l’exploitation des ressources minières ou encore l’acidification des écosystèmes », détaille le responsable.
Un prototype existe et permet de traiter un premier cas d’usage : l’évaluation des mix de production électrique en France. Il s’agit du seul simulateur à permettre à la fois d’indiquer si le mix est réalisable ou non, d’expliquer pourquoi, et de fournir le détail des trajectoires temporelles pour l’atteindre. Ces résultats pourront servir de base à une planification (construction de centrales, éoliennes, panneaux solaires, emplois, etc.).
Pour valider scientifiquement les conclusions, le chercheur a mis au point la méthode MOSIMA (Modélisation et Simulation Multi-Agents) : « La première étape consiste à construire le modèle à partir de données empiriques, comme la psychologie, utilisée pour les comportements humains. Nous appliquons ensuite une calibration automatique pour déterminer les paramètres de notre modèle et reproduire un certain nombre d’indicateurs. Enfin, nous effectuons des tests de généralisation pour reproduire des faits stylisés connus ». Dernier détail d’importance, contrairement à certaines intelligences artificielles, les résultats sont tous explicables, on peut suivre l’ensemble des actions des agents, expliciter les décisions effectuées et comprendre comment une politique a été évaluée.
La prochaine étape pour TerraNeon sera la création d’une start-up dès l’année prochaine : « Nous sommes les seuls à maîtriser cette technologie que nous pouvons proposer aussi bien aux décideurs politiques qu’aux entreprises qui peuvent parfois être désemparées face aux réglementations environnementales », projette Jean-Daniel Kant. Pour cela, la participation au programme de prématuration du CNRS a été importante, permettant notamment d’obtenir un contrat postdoctoral pour s’occuper de la problématique du transport. « Nous visons aussi les appels à projet de Bpifrance pour continuer à nous développer. Le CNRS et CNRS Innovation nous accompagnent et nous font bénéficier de leur réseau pour rencontrer des partenaires potentiels. Nous cherchons à étendre notre outil à différents cas d’usages, autant institutionnels qu’industriels. Nous croyons aux rencontres, ce sont elles qui pourront donner l’impulsion. »
Le CNRS et CNRS Innovation nous accompagnent et nous font bénéficier de leur réseau pour rencontrer des partenaires potentiels ’’
Jean-Daniel Kant
Maître de conférences à Sorbonne Université et membre du LIP6
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